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Quand les nombres et les figures Ne seront plus la clef de toute créature, [...] Alors s'évanouira devant l'unique mot secret Ce contresens que nous appelons réalité....
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“Hellanice, qui avait nourri Alexandre”. L’essentiel donc : se rappeler qu’éduquer – educare – c’est d’abord et avant tout nourrir. À la fin d’un colloque tenu par l’Agora, en 1985, à l’occasion du centenaire de la mort de Victor Hugo, Gustave Thibon souhaitait que ses propos « aient une puissance germinative ». Œuvrant depuis près de soixante ans dans le monde de l’éducation, ayant, malgré toutes les embûches, réussi, avec une remarquable équipe, à faire d’une école publique une maison d’éducation digne de ce nom et digne de celui dont elle portait le nom – Louis Riel – je reste profondément convaincu qu’une école est d’abord un lieu de germination et d’enracinement.
Jacques Dufresne, dans un article publié dans le journal La Presse, en octobre 1984, sous le titre : « La grille et le jardin », posait la question suivante : « Comment vivre pour que les nourritures physiques ou intellectuelles puissent féconder l’humus intérieur, et être fécondées par lui, de telle sorte qu’il puisse en rejaillir des œuvres allant d’un concerto de Bach à un sourire compatissant? »
Un lieu de germination et d’enracinement
La question essentielle est donc posée : Comment créer ce lieu d’enracinement, de germination qui fécondera « l’humus intérieur »? Nous voici donc bien loin des apprentissages mécanistes, de l’obsession des compétences, bien loin de l’utilitaire et de l’immédiat. Quand elle écrit, dans Le Trésor des savoirs oubliés : « Ils (les souvenirs oubliés) sont comme les différents éléments qui circulent dans la terre et nourrissent les plantes »1, Jacqueline De Romilly nous rappelle « la mystérieuse alchimie de l’âme humaine »2, le mystérieux et fructueux silence de la germination. Elle ajoute : « Il suffit de reconnaître leur existence, peut-être, pour orienter notre politique d’éducation;… »3. L’école humaniste a
toujours cru en la capacité qu’a l’être humain de se transformer lui-même s’il plonge ses racines dans un sol riche qui nourrit son esprit, son cœur et son âme. Une telle école croit que pour faire prendre conscience aux jeunes des longs cheminements des idées, des inventions, des institutions, il faut pratiquer une pédagogie d’enracinement. C’est dans la fréquentation des grandes œuvres que l’être humain trouve la nourriture essentielle à la vie de son esprit, de son âme, parce que ces grandes œuvres ont « une puissance germinative » pour reprendre l’expression de Gustave Thibon.
Le silence qui écoute
L’antique Règle de saint Benoît, le patron de l’Europe, commence par ces mots : « Écoute ô mon fils… ». La civilisation occidentale, qui doit tellement à l’Ordre bénédictin, doit donc beaucoup au silence, à l’écoute. Les moines ont cultivé l’Europe au sens propre et au sens figuré. Ils en ont ensemencé le sol, ils en ont ensemencé l’esprit. La culture occidentale s’est abreuvée aux sources du silence, de la contemplation. C’est dans le silence du scriptorium que des moines, par leur patient labeur, ont assuré la transmission des œuvres qui ont fait de l’Occident ce qu’il est. La pédagogie moderne a donné beaucoup d’importance à l’expression, à l’affirmation – précoce – de soi. Nos écoles bourdonnent… Paradoxalement, à trop vouloir privilégier l’expression, la pédagogie a fait taire les grandes œuvres, l’histoire de la pensée. Elle a, en quelque sorte, passé l’essentiel… sous silence.
1 Jacqueline De Romilly, Le Trésor des savoirs oubliés, Livre de poche, 1998, page 172
2 Voir Émile Robichaud, La mystérieuse alchimie de l’âme humaine, Les Cahiers Fernand Dumont, numéro 2,
janvier 2013.
3 Jacqueline De Romilly, idem, page 172
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