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Tout le monde en conviendra : c'est au sort qu'elle réserve aux plus vulnérables de ses membres que l'on peut juger de la qualité d'une société. Aussi avons-nous voulu profiter ...
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Quand les nombres et les figures Ne seront plus la clef de toute créature, [...] Alors s'évanouira devant l'unique mot secret Ce contresens que nous appelons réalité....
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Après la Commission Gomery, la Commission Charbonneau! À quelles conditions pourrions-nous en sortir plus honnêtes… et plus prospères
Un nouveau site consacré au dialogue entre croyants et non-croyants a été créé. Son titre « L’hypothèse Dieu » annonce-t-il un vira...
L'appartenance c'est le lien vivant, la rencontre de deux Vies : la nôtre et celle de telle personne, tel paysage...Quand la vie se retire, le sentiment d'appropriation se substitue au ...
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Günther Anders
« El primer delito del hombre es haber nacido »
Calderon
De ce philosophe allemand qui a publié en 1956 L'obsolescence de l'homme, je retiens que l'homme est fasciné par les produits fabriqués au point d'avoir honte d'être né, c'est-à-dire d'être un enfant de la nature. À propos d'un Américain, un certain T., qu'il a vu en extase devant des machines nouvelles présentées dans une exposition, Anders écrit : « Il a honte d'être devenu plutôt que d'avoir été fabriqué. Il a honte de devoir son existence – à la différence de produits qui, eux, sont irréprochables parce qu'ils ont été calculés dans les moindres détails – au processus aveugle, non calculé, ancestral de la procréation et de la naissance ».1
« Penser c'est exagérer ».2 Seuls les transhumanistes de stricte observance s'avouent inférieurs à l'homme machine... de l'avenir. Ce sentiment commence à peine à affleurer dans la conscience humaine. Il est tout-à-fait vraisemblable, en revanche, qu'une envie inconsciente de la machine soit à l'œuvre depuis longtemps dans l'humanité. Entre une fusée qui s'envole et une plante qui sort de terre, où va notre admiration? L'envie inconsciente de la machine permettrait de comprendre pourquoi la fécondation in vitro est entrée si facilement dans les mœurs; pourquoi aussi les recherches sur l'utérus artificiel ne se heurtent à aucun obstacle majeur. Le désir d'une immortalité désincarnée, sur disque dur, s'expliquerait mieux également. Être né, c'est être incarné. Quand serai-je enfin débarrassé de cette chair d'où me viennent tous mes maux et toutes les faiblesses qui m'empêchent de devenir un iron man?
« Chaque jour un nouvel instrument
Toujours plus beau sort des automates.
Nous sommes les seuls à avoir été ratés,
à avoir été créés obsolètes.
Aucune chance pour nous de garder la tête haute
dans la société des choses bien adaptées.
Aux seules choses est permise la confiance en soi,
aux seuls instruments est permise la fierté? »3
Serait-ce là l'une des racines de ce besoin d'estime de soi devenu le mobile dominant chez les jeunes? L'analyse que Anders fait de ce qui était en 1956 l'équivalent de la chirurgie plastique, le make-up, confirme cette hypothèse. « Les girls, dit-il, ne sont satisfaites que lorsqu'elles se sentent «transformées en choses, en objets décoratifs, en produits finis ».4 Ce processus est analogue à celui que le human engineer met en branle pour obtenir des résultats préfigurant les sports extrêmes d'aujourd'hui. « Le human engineer ne veut donc pas savoir ce qu'est sa nature, mais jusqu'à quel point elle peut subsister (sans atteindre le point de rupture). Il ne veut pas savoir comment elle s'est formée, mais à quelles conditions elle peut se conformer; il ne veut pas non plus savoir quelles sont ses limites mais lesquelles pourraient être reculées ».5
Quand donc serai-je débarrassé de cette chair qui m'entrave, en plus de se corrompre et de me corrompre? « Qui sait, se demande Anders, si, derrière la passion avec laquelle les arrière-petits-fils des puritains se livrent à cette transformation masochiste du corps, il n'y a pas secrètement à l'œuvre, sans qu'ils le sachent eux-mêmes, des restes de cette énergie avec laquelle leurs ancêtres ont haï le corps, des restes qui ne trouveraient plus d'autre utilisation dans le monde d'aujourd'hui? »6
Au fur et à mesure que l'on avance dans la lecture de ce livre, ce qui semblait exagéré au début paraît de plus en plus vraisemblable. Au fil des pages, on devient de plus en plus conscient de la puissance des mécanismes de déni qui se déclenchent en nous dès que l'on nous place devant les évidences de notre "emmachination". « La notion de progrès nous a rendus aveugles à l'apocalypse »7 , écrit Anders. Nous sommes en 1956, l'apocalypse à ce moment, c'est d'abord la bombe H, mais c'est aussi, pour Anders du moins, l'obsolescence de l'homme, laquelle devient tragiquement manifeste dans certains milieux de travail, dont les centres d'appel d'aujourd'hui sont un bon exemple. Le travailleur y est traqué par les instruments de mesure : nombre d'appels par jour, durée moyenne et rendement des appels, etc. À quoi il faut ajouter les réponses agressives des personnes pourchassées pour dettes ou fâchées d'être sollicitées contre leur gré et le fait que l'opérateur a sous les yeux un écran qui lui dicte ses questions et ses réponses. Invité à porter un jugement sur l'une de ces usines de communications, un psychiatre a déclaré : « Ici l'on devient fou en deux ans ».
Anders a beaucoup réfléchi sur le silence complice des fonctionnaires allemands œuvrant dans les camps de concentration. Plutôt que d'accabler ces fonctionnaires en en faisant un cas isolé, il a étendu ses conclusions à l'ensemble du monde du travail, où, dit-il, il va généralement de soi que l'immoralité de la fin, construire une bombe à hydrogène par exemple, ne doit jamais déteindre sur le travail lui-même. Le travail est toujours moral. « Tandis que le travail en tant que tel est considéré en toutes circonstances comme ''moral'', sa fin et ses résultats sont considérés comme fondamentalement ''neutres au regard de la morale.'' Quel que soit le travail que l'on fait, le produit de ce travail reste toujours ''par-delà le bien et le mal'' »8.
Dans les centrales d'appel, la fin du travail est souvent immorale; c'est le cas, par exemple, lorsque l'appel consiste à proposer à un adolescent une carte de crédits qui va l'habituer à s'endetter pour consommer; mais le travail à l'intérieur, si déshumanisant qu'il soit, demeure moral, parce que c'est un travail et parce qu'il faut travailler pour gagner sa vie.
C'est ainsi qu'un certain néo-libéralisme en faisant du rendement un absolu, sans se soucier de la qualité ni de la fin du travail, peut réduire les hommes à des machines en tant que producteurs et leur faire subir le même sort en tant que consommateurs en les habituant à réagir automatiquement à la publicité. D'où le danger du déni que déplore Anders.