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On trouve souvent le nom du romancier Michel Houellebec sur la liste de ceux qui ont prédit ou appelé de leurs vœux l'avènement d'une espèce nouvelle succédant à Homo Sapiens en le dépassant. Quelle est la nature, la signification et l'importance de sa contribution à ce qui pour certains, en 2012, est déjà un projet en voie de réalisation et pour d'autres un sujet d'inquiétude aux allures de cauchemar? Dans cette fiction, Houellebec pousse-t-il un cri d'alarme devant le sort qui nous attend? Ou veut-il simplement et cyniquement en souligner le caractère inéluctable?
C'est un roman intitulé Les particules élémentaires, paru en 1998, qui fournit à Houellebec l'occasion de dévoiler son utopie. Nous avons bien des raisons de penser que deux trajectoires se rencontrent à ce moment : celle de l'homme qui descend vers la machine et celle de la machine qui, dit-on, s'élève vers l'homme. C'est cette rencontre qui est le thème principal du roman. La première partie, de loin la plus importante quantitativement, est entièrement consacrée à la descente de l'homme vers la machine, plus précisément vers une unidimensionnalité où vivre se réduit à fonctionner, les personnages ne possédant rien qui corresponde à des mots comme caractère, intériorité ou identité. Ce sont des marionnettes agitées par les ficelles de la mode et de l'esprit du temps. Ils se ressemblent tous, comme les immortels qui nous seront révélés dans les derniers chapitres. Deux d'entre eux se distinguent, certes, mais par l'importance que leur accorde l'auteur et non par quelque qualité intime. Le premier, Bruno, est un obsédé sexuel, un être qui ne connaît de l'amour que les réflexes. Il n'y a rien d'autre à dire à son sujet, sinon peut-être qu'il a flirté avec la spiritualité New Age. Le second est un savant taciturne qui, également incapable d'aimer, n'est à l'aise que dans le formalisme où s'élaborent les équations qui feront de lui le plus grand savant du monde. Il vit en France et juste avant son départ pour l'Angleterre, où il pourra mettre le point final à sa théorie, il pose dans la plus mécanique indifférence les actes essentiels de ce qu'on appelait la vie : faire un enfant à une femme dont il ne sait pas s'il l'aime, être témoin d'un avortement, d'un diagnostic de cancer, d'un suicide, d'une crémation.
Voilà l'homme qui trouvera la formule de la nouvelle espèce, juste avant de se suicider. Dans son rapport avec les femmes, il est aussi maladroit qu'Héphaïstos, le patron grec des fabricants de machines humaines. On peut présumer que par son suicide il a voulu échapper au sort qu'infligea le monstre de Frankenstein au savant qui l'avait fabriqué!
La nouvelle espèce, telle que décrite par Houellebec, est à l'image de son créateur. À quelques nuances près : l'immortalité et la conformité. Le nouvel être ne se reproduit pas sexuellement, il se multiplie par clonage à partir, non d'un archétype, mais d'un prototype. Tous les nouveaux humains sont entre eux comme des jumeaux identiques. Ils devront donc leur relative identité à la seule culture. Maigre identité si l'on en juge par les clones de la première partie du roman.
Le deuxième personnage, Michel Djerzinski, le savant triste, devait disparaître en 2009 peu de temps après avoir envoyé à la revue Nature son article intitulé « Prolégomènes à la réplication parfaite ». Le roman a paru en 1998, ne l'oublions pas; 2009 c'était alors l'avenir, mais le proche avenir. En le situant à la fois parmi ses contemporains et dans le proche avenir, Houellebec nous donne sans doute à entendre que son personnage est un déraciné du temps aussi bien que de l'espace. Il s'ensuivra, toujours selon Houellebec, après 2009 une période de transition de quelques décennies pendant lesquelles l'avant-scène appartiendra à un habile communicateur, un Goebbels du progrès technique, Frédéric Hubczejak, qui fondera et présidera le «Mouvement du Potentiel Humain».
La publication de l'article sur ce Mouvement fera d'abord scandale; Houellebec fait état d'une vive protestation des religions instituées et des humanistes mais c'est pour souligner que, comme on pouvait s'y attendre, divers scénarios analogues s'étant produit dans le passé, de telles voies passéistes n'allaient pas arrêter le progrès. La rhétorique de Hubczejak sera si efficace par comparaison qu'en 2059, il ne subsisterait que quelques humains de l'ancienne race.
Voici quelle était la réponse du maître de la propagande à ceux qui reprochaient à son mouvement de vouloir transformer les hommes en copies conformes les uns des autres: «Cette individualité génétique, dont nous étions, par un retournement tragique, si ridiculement fiers, était précisément la source de la plus grande partie de nos malheurs.» «À l'idée que la personnalité humaine était en danger de disparaître, Hubcjzejak opposait l'exemple concret et observable des vrais jumeaux, lesquels développent en effet, par le biais de leur histoire individuelle, et malgré un patrimoine génétique rigoureusement identique, des personnalités propres, tout en restant reliés par une mystérieuse fraternité – fraternité qui était justement l'élément le plus nécessaire à la reconstruction d'une humanité réconciliée.»
Par rapport à d'autres utopies du même genre, dont celle de Vous serez comme des dieux de Gustave Thibon ou Walden Two de B.F. Skinner, le récit futuriste de Houellebec, qui tient en quelques pages, n'est qu'une ébauche, une ébauche suffisamment explicite toutefois, compte tenu de ce qui la précède dans le livre, pour que le lecteur comprenne que l'ancienne humanité n'a plus la force de se défendre contre un projet qui lui paraît à prime abord monstrueux. Quand les nouvelles techniques de reproduction ont fait leur apparition au début de la décennie 1980, les religions instituées et les humanistes ont protesté comme ils le font dans le roman de Houellebec. Des manipulations comme le choix du sexe des enfants paraissaient appartenir à jamais au domaine de l'interdit. Aujourd'hui, le dépistage prénatal est une pratique routinière. Et l'utérus artificiel apparaît déjà comme un instrument de libération de la femme.
Houellebec connaissait-il la thèse que défend Gunther Anders dans L'obsolescence de l'homme, selon laquelle l'homme contemporain a honte d'avoir été engendré, d'être fils de la nature et qu'il aspire à la perfection des objets fabriqués? Cette thèse est la première interprétation que l'on peut donner de son livre.
Un autre rapprochement s'impose avec l'oeuvre de Ludwig Klages, lequel a parfaitement compris aussi bien le formalisme, dans lequel s'abîme le savant dénué d'affectivité, que l'unidimensionnalité des derniers hommes. D'où ce diagnostic saisissant : «À l'humanité préhistorique dominée par l'âme succédait l'humanité historique dominée par l'esprit. Mais à celle-ci succédera l'humanité posthistorique de la larve animée par un simulacre de vie: nous assistons à son éclosion.» De la larve animée par un simulacre de vie, c'est bien le souvenir que l'on conserve de la première partie du roman de Houellebec. Dans la seconde, même le simulacre de vie a disparu. À noter que l'esprit, tel que l'entend Klages, est étroitement apparenté à notre raison instrumentale.